Le Grand Hiver de 1709 et ses mortelles conséquences

 

Le Grand Hiver de 1709 et ses mortelles conséquences

2000002982373En 1709, l'Europe fut paralysée par une vague mortelle de neige et de glace. Tableau anonyme du 18e siècle, exposé au Castello Sforzesco de Milan.

Cet hiver impitoyable a arraché à la vie un grand nombre d'Européens et perturbé deux guerres majeures. Le froid extrême de cette année-là favorisa la propagation du virus dans toute l'Europe.

Nuit

Il n'aura fallu qu'une seule nuit de l'année 1709 pour que le climat bascule. Le 5 janvier 1709, les températures chutèrent, rien d'étonnant, a priori, aux premières heures de l'hiver en Europe, mais celui de 1709 n'avait rien d'une vague de froid ordinaire. 

Soleil

Le lendemain, le soleil se leva sur un continent glacé de l'Italie à la Scandinavie et de l'Angleterre à la Russie, le surlendemain également, puis tous les jours pendant près de trois mois.

Froid

Le froid extrême provoqua des pénuries alimentaires qui entraînèrent la mort de centaines de milliers de personnes rien qu'en France. Il gela des lagons en Méditerranée et modifia le cours d'une guerre. Depuis une Angleterre grelottante, le philosophe William Derham écrivit : « De mémoire d'Homme, jamais nous n'avons connu d'hiver aussi rude. »

Pays

Le pays le plus touché par la terrible vague de froid fut sans nul doute la France. L'année 1709 avait déjà mal commencé. 

Paysans

Les paysans français devaient composer avec de maigres récoltes, de lourds impôts et l'enrôlement pour la guerre de Succession d'Espagne. 

2000002982373Le gouvernement de Louis XIV dut faire face à une crise alimentaire catastrophique engendrée par le froid extrême.

Températures

Les vagues de froid endurées à la fin de l'année 1708 n'étaient rien face à l'effondrement des températures de la nuit du 5 au 6 janvier 1708. Les deux semaines suivantes, la neige tomba sur la France et les thermomètres affichèrent des températures avoisinant les -20 °C.

Prévisions

En l'absence de prévisions météorologiques, les autorités n'eurent pas le temps de se préparer à ce qui est désormais qualifié de Grand Hiver. Des milliers de personnes moururent d'hypothermie avant la prise de mesures visant à aider les citoyens. Autres victimes de ces conditions extrêmes : les animaux tués par le gel dans leurs enclos, étables ou poulaillers.

Territoire

Sur l'ensemble du territoire français, les fleuves, les canaux et les ports furent figés par le gel et les routes bloquées par la neige. Dans le port de Marseille et à différents points du Rhône et de la Garonne, la glace supportait le poids des charrettes, ce qui situe son épaisseur autour de 28 cm. 

Villes

Dans les villes privées de provisions, des témoignages racontent que les habitants étaient forcés de brûler leur mobilier pour se réchauffer. À Paris, l'approvisionnement fut suspendu pendant trois mois.

Disette

Même les plus aisés qui se pensaient à l'abri de la disette avec leurs stocks de nourriture et de boissons réalisèrent bientôt que le froid les rendait inutilisables. 

Pain

Le pain, la viande et certaines boissons alcoolisées gelèrent tout simplement. Il ne resta de liquide que les spiritueux comme la vodka, le whisky ou le rhum. Le piège glacé du climat vint se refermer sur les pauvres comme sur les riches. 

Demeures

Les vastes demeures de l'élite avec leurs grandes fenêtres, conçues pour impressionner, mais sans aucune considération pratique, laissaient passer un air glacial.

2000002982373Les pauvres mouraient dans leurs taudis et les riches grelottaient dans leurs châteaux, comme à Versailles, où la duchesse d'Orléans « peinait à tenir sa plume ».

Versailles

À Versailles, Élisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'Orléans et belle-sœur du roi Louis XIV, adressa ces quelques lignes à la duchesse Sophie de Hanovre. 

Froid

« Il fait un froid si affreux qu'on ne peut l'exprimer. Je suis assise devant un feu flamboyant, il y a un paravent devant ma porte, qui est fermée, afin que je puisse m'asseoir ici avec une fourrure autour du cou et les pieds dans une peau d'ours, mais je frissonne quand même et peine à tenir la plume. Je n'ai jamais connu un tel hiver, le vin gèle dans les bouteilles. »

Europe

Dans le reste de l'Europe, aussi, apparurent les étranges conséquences du froid. De nombreux témoins racontèrent comment la chute soudaine de température fragilisa ce qui était pourtant perçu comme robuste. 

Troncs

Les troncs d'arbre se brisaient avec fracas, comme si un bûcheron invisible s'affairait à les abattre. Dans les églises, les cloches se fendaient au lieu de résonner.

Londres

À Londres, où l'on parla plus tard de « Great Frost » (en français, le Grand Gel), la Tamise fut prise par les glaces. Les canaux et le port d'Amsterdam connurent un sort similaire. 

Mer

La mer Baltique se figea pendant quatre longs mois et les voyageurs, dit-on, la traversaient à pied ou à cheval depuis le Danemark pour rejoindre la Suède ou la Norvège. 

Gel

Le gel toucha la quasi-totalité des rivières de l'Europe du Nord et Centrale, même les sources chaudes d'Aix-la-Chapelle. 

Chariots

Des chariots lourdement chargés se frayaient un chemin sur les lacs gelés de la Suisse et les loups rôdaient dans les villages à la recherche de quelque nourriture, jetant parfois leur dévolu sur les villageois morts de froid.

Adriatique

Dans l'Adriatique, une foule de navires furent piégés dans la glace et leurs équipages moururent de froid et de faim. À Venise, les habitants utilisaient des patins à glace au lieu des traditionnelles gondoles pour arpenter la ville. Rome et Florence furent coupées du monde par d'importantes chutes de neige. 

2000002982373L’hiver terrible de 1709 en Aveyron.

Espagne

En Espagne, l'Èbre fut couvert de glace, et même la douce Valence vit ses oliviers anéantis par le froid.

Conflit

Ces conditions météorologiques extrêmes eurent aussi des répercussions en politique. Le conflit entre la France et la Grande-Bretagne dans la guerre de Succession d'Espagne fut suspendu jusqu'au retour des beaux jours. Plus important encore, les températures glaciales auraient en partie contribué à faire de la Russie une puissance régionale. 

Bataille

En effet, alors que les historiens considèrent la victoire russe de Pierre Ier le Grand sur la Suède lors de la bataille de Poltava en juin 1709 comme une étape décisive de cette transition, celle-ci aurait été arrachée à une armée suédoise réduite et affaiblie par la mort d'un grand nombre de soldats en raison des conditions climatiques épouvantables.

Fléaux

Cependant, tout aussi épouvantables soient-elles, ces conditions glaciales n'étaient que le premier événement d'une série de fléaux à s'abattre sur l'Europe cette année-là. Les températures restèrent anormalement basses jusqu'au mois d'avril 1709, mais une fois la neige et la glace fondue, elles laissèrent place à des inondations.

Maladies

L'an 1709 vit également les maladies proliférer. Après l'émergence d'un virus à Rome, le froid et la faim du Grand Hiver en facilitèrent la propagation et entraînèrent une épidémie à l'échelle européenne en 1709 et 1710. 

Peste

Pour ne rien arranger, la peste frappa aussi cette année-là, venue de l'Empire ottoman via la Hongrie.

Maux

Mais de tous les maux dont souffrait l'Europe, la faim était, à bien des égards, le plus implacable. Les conséquences des pénuries alimentaires durèrent jusqu'à la fin de l'année 1710. Arbres fruitiers, céréales, vignes, légumes, troupeaux, tout fut perdu.

Récoltes

Les récoltes de l'été suivant ne purent même pas être plantées. Face à cette situation, le prix des céréales atteignit des sommets en 1709, jusqu'à six fois le cours habituel.

Louis XIV

En France, Louis XIV organisa des distributions de pain et obligea l'aristocratie à suivre son exemple. Il fut également tenté de répertorier l'ensemble des stocks de céréales afin d'empêcher la création de réserves en envoyant des inspecteurs veiller au bon respect des lois.

Misère

Malgré son bon vouloir, de telles mesures étaient bien dérisoire face à l'atroce misère qui s'installait. Des épisodes de violence dans lesquels les paysans réduits à la soupe de fougère formaient des bandes pour piller les boulangeries ou dévaliser les convois de céréales.

Conséquences

« Le Grand Hiver » et son macabre sillage eurent des conséquences tragiques pour des centaines de milliers de personnes. 

2000002982373Le grand hiver de 1709 est un fléau de glace qui a dévasté la France, ainsi que l’Europe, rasant les récoltes et la population sur son passage.

Population

En France, la population connut un net déclin au cours des années 1709 et 1710 : 600 000 morts supplémentaires et un recul de 200 000 naissances par rapport à la moyenne annuelle de l'époque. Il n'en fallait pas plus pour achever une économie déjà chancelante.

Record

Encore aujourd'hui, cette période détient le record de l'hiver européen le plus froid des 500 dernières années et occupe toujours l'esprit des climatologues. Diverses théories ont vu le jour pour tenter de l'expliquer.

Volcans

Dans les années antérieures à la vague de froid, plusieurs volcans sont entrés en éruption autour de l'Europe, notamment le Teide sur les îles Canaries, le volcan de Santorin en Méditerranée et le Vésuve près de Naples. D'énormes volumes de poussière et de cendre ont envahi l'atmosphère et entravé le passage des rayons du Soleil.

Climatologues

L'année 1709 tombe également dans la période appelée minimum de Maunder (1645 - 1715) par les climatologues, époque à laquelle les émissions d'énergie solaire ont connu un affaiblissement considérable. 

Catastrophe

Quant à savoir si la catastrophe hivernale subie par l'Europe en 1709 est bel et bien le fruit de ces différents facteurs, le débat a encore de beaux jours devant lui.

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