L'Homme au Masque de fer : qui était-il vraiment ?

 

L'Homme au Masque de fer : qui était-il vraiment ?

2000002982373LHomme au Masque de fer, gravure anonyme, 1789.

Rarement, un prisonnier aura suscité autant de fantasmes que celui-là. Depuis 1703, après 34 ans de captivité, celui que l'on surnommait l'Homme au Masque de fer a fasciné historiens, romanciers et amateurs de mystère, qui lui ont prêté des dizaines d’identitées.

Homme 

Qui était l'Homme au masque de fer ? Après plus de trois siècles, le mystère continue d’entourer l’homme au Masque de fer. Frère jumeau caché de Louis XIV ? Fils de Cromwell ? Amant de la reine ? Molière ?

Hypothèses

Depuis la mort le 19 novembre 1703 du célèbre embastillé, les hypothèses n’ont cessé de fuser. Il a fallu attendre le XXe siècle pour que les historiens commencent à percer les brumes de cette énigme. 

Nom 

"Nous connaissons désormais son nom, son parcours en prison, son régime carcéral", énumère l’historien Jean-Christian Petitfils, auteur du Masque de fer, entre Histoire et Légende (Perrin, 2003).

Masqué

"Nous savons même pourquoi il a été masqué !". "Reste une inconnue : la cause exacte de son arrestation".

2000002982373Une chaise à porteurs était une cabine munie de brancards et portée à bras d'hommes.

Jean-Christian Petitfils

"Dès le XVIIIe siècle, la légende a pris une ampleur considérable, avec de nombreux développements, raconte Jean-Christian Petitfils".

Histoire

"Alors qu’il s’agit en réalité d’une histoire relativement banale, celle d’un prisonnier qui connaissait un secret politique".

Valet

Nulle tête couronnée ici, mais un personnage de basse extraction, un simple valet.

Incarcéré

Ce dernier est incarcéré en juillet 1669, par ordre du ministre Louvois, au donjon de Pignerol, petite place française en Italie du Nord, où se trouvait déjà incarcéré un autre prisonnier politique, l’ancien surintendant Nicolas Fouquet. 

Geôles

Il connaîtra plusieurs geôles successives, d’abord au fort d'Exilles, entre Turin et Briançon, puis sur l'île Sainte-Marguerite où il est conduit avec de grandes précautions. 

Chaise

"Il voyage dans une chaise à porteurs recouverte de toile cirée, avec deux équipes de huit porteurs qui se succèdent pour le conduire sur les chemins escarpés des Alpes, détaille Jean-Christian Petitfils". 

Taille

À l’étape de Grasse, on l’a vu sortir de sa chaise à porteurs : c’était un homme de grande taille, au visage recouvert d’un masque d’acier, ce n’est pas une invention ! 

Gazette

"On peut lire ce renseignement dans une petite gazette qui circulait dans les milieux jansénistes. Les bruits commencent à courir dans toute la Provence… Qui est-il ?"

Prisonnier

Parmi les histoires que l’on raconte sur le mystérieux prisonnier, l’une des plus célèbres est celle de l’assiette d’argent, rapportée par Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV (réédition de 1752), le Masque de fer y aurait inscrit son nom avant de la lancer par la fenêtre de la prison. 

Découverte

Elle aurait été découverte par un pêcheur analphabète, qui l’aurait rapportée au gouverneur. Ce dernier aurait vérifié qu’il n’avait pas pu déchiffrer ce qui y était inscrit, concluant en le libérant : 

Lire

"Allez, vous êtes bien heureux de ne pas savoir lire !"

Geôlier

Son geôlier, Bénigne Dauvergne de Saint-Mars, passe en 1698 du gouvernement de Sainte-Marguerite à celui de la Bastille, et le prisonnier le suit.

Masque 

"Cette fois, ce n’était plus dans une chaise à porteurs couverte de toile cirée, raconte Jean-Christian Petitfils, avec le visage couvert d’un masque d’acier, car il avait manqué mourir étouffé lors du précédent voyage, mais dans une litière où il porte un masque de velours noir".

Bastille

Il reste à la Bastille jusqu’à sa mort en 1703, et est enterré dans le cimetière de l'église Saint-Paul.

2000002982373Le Masque de Langres.

Voltaire

"Depuis que Voltaire a attiré l’attention sur le personnage, romanciers et pseudo-historiens s’en sont donné à cœur joie, rapporte l’historien". 

Chercheurs

Mais les chercheurs ont retrouvé sa trace dans les archives, les correspondances ministérielles et en outre, un acte d’écrou de la Bastille qui mentionne l’arrivée d’un homme masqué sous la garde de Saint-Mars, et dont le nom devait être tu. 

Acte 

Son acte de décès est enregistré à l'église Saint-Paul sous le nom de Marchioli, âgé d’environ 45 ans ce qui est hautement improbable, compte tenu du fait qu’il a passé 34 ans en détention.

Eustache Danger

En réalité, le Masque de fer s’appelle Eustache Danger. Dans sa lettre à Saint-Mars du 19 juillet 1669, qui annonce son arrivée à Pignerol, Louvois recommande de prendre d’extrêmes précautions pour le garder, et de ne jamais communiquer avec lui, hormis pour satisfaire ses besoins vitaux. 

Condition

Il souligne aussi sa condition sociale modeste, précisant qu’il ne s’agit que d’un valet. Puis, étrangement, le roi accède en 1674 à la proposition de Saint-Mars de placer Danger au service de Fouquet.

Condition

"Sa condition évolue : de simple prisonnier, il devient valet-prisonnier, et les modalités de sa détention s’assouplissent".

Roi

Mais le roi formule une exigence précise : en aucun cas, il n’aura le droit de communiquer avec l’autre valet de Fouquet, ni avec l’autre prisonnier politique incarcéré à la même période, le comte de Lauzun.

Injonction

La même injonction au silence suivra le prisonnier dans ses geôles successives, jusqu’à sa mort.

2000002982373Eustache Dauger.

Secret 

Il est donc établi qu’Eustache Danger connaissait un secret, d’une envergure suffisante à faire trembler la monarchie. 

Affaire

Mais lequel ? Jean-Christian Petitfils pense qu’il s’agit d’une affaire liée à des négociations diplomatiques très secrètes qui s’étaient alors nouées entre la France et l’Angleterre par l’intermédiaire de Henriette d’Angleterre, la belle-sœur de Louis XIV.

Humilié

Ce dernier a été humilié par la guerre de Dévolution (1667-1668), tentative partiellement infructueuse de conquête des Pays-Bas espagnols qu’il a dû abandonner sous la menace conjointe de l’Angleterre, de la Suède et des Provinces-Unies (actuels Pays-Bas).

Rancœur

"II en a conçu une immense rancœur, raconte l’historien, et voulait se venger des Hollandais, qu’il avait aidés à se libérer du joug espagnol". 

Guerre

Dans ce but, son intérêt était de déclarer la guerre à la Hollande. Mais il lui fallait préalablement provoquer un renversement d’alliance, qu’il prépare avec Charles II d’Angleterre, le frère d’Henriette. 

Correspondance

S’entame à ce moment-là une correspondance chiffrée, qu’on a appelée le "Grand Secret", qui commence par une proposition de l’Angleterre : 

Catholicisme 

Charles II ambitionne de rétablir le catholicisme et l’absolutisme, et il a besoin de l’appui de Louis XIV pour cela.

Intermédiaires

Eustache Danger était donc probablement le valet d’un des intermédiaires, peut-être de Henriette d’Angleterre elle-même, qui a pris connaissance de ces échanges secrets et a été neutralisé, pourquoi ne pas l’avoir fait exécuter, tout simplement ?

Jean-Christian Petitfils

Au XVIIe siècle, on ne tue pas les gens, explique Jean-Christian Petitfils, dans cette monarchie très chrétienne, on ne commet pas de meurtre, même pour des raisons politiques. 

Individus

"Pour se débarrasser des individus gênants à qui on ne peut pas faire de procès dans les règles, on préfère les expédier en prison par lettre de cachet. Et les y laisser croupir".

Mort

Lorsque le Masque de fer meurt en 1703, la guerre de Hollande est achevée depuis 25 ans, et l’importance de son secret a fini par s’estomper, mais on ne libère pas un prisonnier d'État. 

Raisons

Il arrive même souvent qu’on finisse par oublier les raisons de leur détention, on ne sait plus qu’en faire, alors on les garde.

Île

Quant au fameux masque de fer porté lors de son transfèrement à l’île Sainte-Marguerite, il a probablement été imposé par l’orgueilleux geôlier Saint-Mars.

Auteur

Le véritable auteur de la légende, soucieux de s’auréoler personnellement de gloire et de mystère en se servant de son bien humble prisonnier.

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